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Tess

Le projet de ferme de Quentin



Le rêve d’un enfant


A 8 ans, Quentin voulait devenir éleveur. Il se rappelle avoir appelé sa grand-mère pour lui annoncer qu’il allait reprendre la ferme de ses grands-parents. En grandissant, il s'est imaginé zoologue, puis architecte. Finalement, c’est dans l’audiovisuel qu’il commence sa carrière professionnelle. Il est technicien de régie en région parisienne. Le boulot l’intéresse, il se plaît dans son équipe mais il cherche un sens à sa vie. Et les strass et paillettes de la télévision ne lui correspondent pas. Il ressent une profonde dissonance cognitive. Il décide alors de revenir en région, tout en continuant l’intermittence, qui lui permet de vivre. Finalement, la pression monte, la crise sanitaire se présente et Quentin comprend qu’il doit faire quelque chose pour trouver son chemin, sa mission de vie, et s’épanouir professionnellement.


En 2020, il décide d’engager une reconversion professionnelle et retourne vers ses projets d’enfant : il se lance dans une formation agricole. Il envisage de reprendre une ferme de famille, celle de son arrière-grand-père, aujourd’hui gérée par un cousin. En 2023, et après un stage de fin de formation sur sa future ferme, il deviendra gérant de sa ferme et pourra démarrer une conversion de la ferme conventionnelle en biologique et biodynamique. La biodynamie se définit par 3 grands principes : une conception de ferme comme un organisme agricole - une entité autonome et individualisée ; l’utilisation de préparations à base de plante médicinales, de quartz et de bouse de vache afin d’apporter un équilibre énergétique à la ferme ; un suivi des rythmes cosmiques (lune, soleil, zodiaque).


Retrouver le goût du terroir


Quentin voit loin et envisage ses projets à long terme. A terme, il rêve d’avoir une ferme en polyculture et élevage, et de pouvoir embaucher des salariés. Son projet principal, c’est l’élevage laitier et la transformation du lait, notamment en fromage : “La finalité, pour moi, c’est de revenir à quelque chose qui ait vraiment un goût de terroir. Comme on sait faire des fromages dans les Alpes. Ici, on a nécessairement d’autres types de fromage pour des questions de prairie, de fleurs etc… Mais en fait, je veux essayer de retrouver un produit de terroir, de type abondance ou comté, qui serait produit chez nous, en Loire Atlantique. Il y aurait donc un travail sur les races de vaches, avec nos races locales notamment.”

Il veut redonner au lait ses qualités d’antan. Il m’explique que le lait industriel UHT est mauvais pour la santé. Car il peut rendre malade ou donner des allergies. Il y voit un vrai problème de santé publique. Quentin estime qu’on ne doit pas arrêter de consommer du lait, mais qu’on peut, par contre, le produire différemment pour qu’il soit sain. D’une manière qui respecte les animaux dans leur physiologie et leur rythme. Et puis en ré-intégrant des races anciennes, comme la vache nantaise, dont il me vante la qualité du lait.


Pour l’aspect polyculture de son projet, Quentin souhaite planter des arbres fruitiers rapidement afin d’avoir un verger productif d’ici 7-8 ans. Verger qui pourra lui permettre de créer un poste. Il pense aussi à s’associer avec des maraîchers ou des arboriculteurs qui pourraient cultiver sur les terres de la ferme. Il projette aussi de produire du blé, qui pourrait être utilisé pour la pâtisserie de son compagnon. A terme, il s’imagine avec 4-5 salariés sur 60 hectares : “ Et ça c’est révolutionnaire. Aujourd'hui, on dit qu’il faut énormément de terre, énormément de surface pour vivre. Mais en fait, avec des méthodes de bon sens et de la vraie paysannerie, on peut vraiment vivre à plusieurs sur peu de surface et faire beaucoup de choses”.


Trouver un équilibre


Quentin voit la biodynamie comme une agriculture qui nourrit les hommes, la terre, les écosystèmes, et la biodiversité grâce à toutes ces interactions. Il associe à cela la permaculture : “La permaculture, ce n’est pas un ensemble de méthodes ou d’outils, il n’y a pas vraiment d’aspect agricole. C’est plutôt une méthode de design, de conception d’environnement. Donc j’ai des besoins, les animaux ont des besoins, la terre a des besoins, le territoire a des besoins, la ferme est faite de telle façon. Comment je peux répondre à tout cet équilibre ? Le temps de travail, l’ergonomie, les déchets, la gestion de l’eau, l’énergie… En fait, on regarde tout ça avec un prisme de l’efficience, de l’écologie et de l’éthique humaine. Ce sont des lunettes, avec un filtre, qui permettent de regarder un ensemble pour le designer. Et c’est génial la permaculture ! A ce sujet, les écrits de Bill MOLLISON et David HOLMGREN (créateur du mot permaculture) et de SEPP HOLZER (paysan autrichen) m’inspirent beaucoup !”


Quentin m’explique que l’agriculture d’aujourd’hui est du jonglage : il y a d’un côté les valeurs, l’éthique, et puis d’un autre la réalité et les enjeux économiques. Et il faut réussir à trouver son équilibre. La permaculture est comme un outil qui lui permet de se créer des repères, en développant son libre-arbitre au travers de sa sensibilité et de son intérêt pour le monde.


Quentin doit aussi trouver son équilibre entre rêve et réalité : “Si il y a bien quelque chose dont je me rends compte aujourd’hui, c’est qu’il peut y avoir le rêve utopique du retour à la terre, de la dimension agricole ou permaculture ou un peu toutes les initiatives agricoles qu’on peut voir, et l’envie de s’autonomiser, de produire sa nourriture, de créer du lien autour de ça. D’un autre côté, il y a la réalité agricole, la réalité du métier, les nombreux enjeux à relever (économiques, temps de travail, agronomiques… tous les enjeux d’une ferme). Parce que finalement quand on est agriculteur, on n’est pas juste à cultiver des légumes, ou élever des animaux, on est aussi gestionnaires. On fait la comptabilité, on gère les aménagements, les équipements, les rénovations, la gestion humaine, le salariat si il y en a. Enfin on est chef d’entreprise en plus, et ça demande de savoir pourquoi on le fait, vraiment.“



“Savoir pourquoi on le fait”


Aujourd’hui, Quentin sait pourquoi il le fait. Et cela se ressent dans sa détermination. Mais si aujourd’hui il s’engage pleinement dans ce projet, c’est parce qu’il a appris à se connaître, et qu’il a eu besoin de temps pour se reconnecter à ses envies profondes, à ce qu’il y avait au fond de lui depuis son plus jeune âge. Il lui a fallu plusieurs années, et surtout deux voyages, qui ont été déterminants dans sa quête de sens.


“J’avais entendu parler des différentes médecines chamaniques, j’avais un attrait pour ça. Au fond de mon cœur, je sentais que ça pouvait être intéressant. Un jour, l'événement à fait que j’ai rencontré la bonne personne, qui m’a fait rencontré la bonne personne, et qui m’a permis de partir au Pérou, une première fois pendant 2 mois dont 15 jours de diète et une deuxième fois où j’ai fait 3 semaines de diète”.


Les diètes sont des isolements en forêt durant lesquels les participants utilisent des plantes de la jungle pour aller explorer leur intériorité. Ces diètes étaient encadrées par une femme chamane, qui s’inspirait des méthodes amérindiennes traditionnelles. Les diètes sont précédées d’une période de “pré-diète” qui permet de préparer le corps à accueillir les soins et la connexion avec les plantes. Les participants sont aussi suivis à la fin de la diète.


Quentin me décrit sa vision de l’expérience : “Quand on prend ces plantes-là, il y a des substances dedans, mais il y a aussi un esprit, l’être de la plante qui va nous soigner, nous guérir, nous enseigner. Il y a vraiment un lien méditatif, et de connexion subtil avec les plantes qui va se développer au fur et à mesure du temps. C’est à travers ce lien-là, les purges et les différentes cérémonies qu’on est amenés à s’explorer et à se guérir. Il faut être accompagné dans un cadre thérapeutique pour le faire. Sinon, il vaut mieux ne pas le faire. Dans ce cadre là, c’est très bienveillant. Les plantes ont une forme d’intelligence, de par leur expérience plus longue. C’est valable pour tout : le thym par exemple pour la gorge. Il y a une forme de sagesse, qui fait que la plante ne nous amène jamais plus loin que ce que l’on est capable. Et si on fait confiance à ces différentes médecines, même si c’est très difficile physiquement, ça se passe très bien. Après il y a pleins de chemins, celui-là c’est le mien et il m’a beaucoup apporté”.


C’est au cours de ces voyages, et grâce au suivi thérapeutique qu’il a fait avec cette femme chamane que Quentin parvient à se reconnecter à qui il est vraiment. Il retrouve l’enfant qui est à l’intérieur de lui, se libère de ses vieux bagages, dépasse les barrières et ose rêver. Il osera aussi se lancer quelques mois plus tard dans sa formation agricole : “Je me suis reconnecté à mon éthique et à mes convictions profondes : l’écologie, l’importance de manger sainement, la santé, l’autonomie”.


Le cercle des inspirations


Et comme question rituelle, j’ai demandé à Quentin de me lister quelques personnes qui l’ont inspiré ou l’inspirent.


“Il y en a pleins, et je trouve ça intéressant d’en faire la liste, je ne l’ai pas fait pour moi, mais ce serait intéressant que je la fasse. Il y a SEPP HOLZER qui m’a permis de voir qu’on pouvait vivre dans une ferme paradisiaque. Il y aussi Pierre Rabhi, dont j’ai beaucoup lu les ouvrages à une période, ça a été vraiment une personne clé. Il y a aussi une personne avec qui j’ai travaillé dans les entreprises : Bernard-Marie CHIQUET. C’est un ancien manager de très grosses entreprises qui a une vision business/gestion d’entreprise très élaborée. Il a vraiment à cœur de ramener la souveraineté des individus dans l’entreprise, à travers notamment la gouvernance partagée. Par effet boule de neige, il développe la souverainement de l’individu, le libre-arbitre, la pleine conscience, le fait d’être responsable de ses actes, de ses pensées. Il m’a beaucoup inspiré et appris sur la gestion humaine, la gestion des groupes, la productivité personnelle. Il y a aussi Myriam BEAUGENDRE, la chamane qui m’a accompagné pendant mes voyages en Amérique du Sud. Je m’inspire beaucoup des gens autour de moi, et pour moi, ce sont des facteurs clés de succès. Quand je vois une personne qui a réussi à faire quelque chose, je me dis que c’est possible car cette personne-là a réussi à le faire. Alors pourquoi moi je n’arriverais pas à le faire ? Si je n’arrive pas à le faire, c’est juste à cause de mes limites personnelles. Et dans ce cas, il faut que je trouve comment franchir ces limites personnelles. En ce moment, je lis les écrits de Rudolf Steiner, un scientifique philosophe allemand de la fin du 19ème siècle. Il a notamment développé les courants de pensée de l’anthroposophie, la science de l’homme. Il a notamment écrit sur l’agriculture (biodynamie). Il y a pleins de domaines dans l’anthroposophie, c’est très large. C’est une façon de regarder le monde, en intégrant une grande part de spiritualité, et en donnant place à l’invisible, à ce qui fait que la matière est. C’est très inspirant, ça permet de comprendre beaucoup de choses sur le vivant, sur l’agriculture.”


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