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Tess

L'Arbre Bavard, festival d'arts vivants engagé

Les racines de “L’Arbre Bavard”


Alisma, Manon et Elise se sont rencontrées lorsqu’elles étudiaient le théâtre au Conservatoire du Mans. Elles représentent l’équipe organisatrice du festival “L’Arbre Bavard” pour me présenter leur projet.

Aujourd’hui, Alisma est étudiante en classe préparatoire au conservatoire de Montpellier. Elle est aussi présidente du collectif et se charge de la partie production, administration, recherche de financement, et gestion des contrats. Manon est étudiante au conservatoire de Nantes, et s’occupe de la communication pour le festival. Elise, elle, n’étudie plus le théâtre mais en garde des précieuses ressources pour enseigner l’anglais dans un collège rural breton. Au sein du festival, Elise gère les bénévoles qui interviennent pendant la semaine de préparation et le week-end du festival.


Au cours de l’année 2020, le petit groupe d’amis, en partie étudiant en théâtre au Mans, se retrouve un peu démuni face à l’annulation de toutes leurs représentations. Rapidement, ils cherchent des solutions pour continuer à jouer malgré l’isolement, la crise et les incertitudes concernant les mois suivants. De fil en aiguille, quelques idées naissent pour répondre à ces problématiques : jouer en plein air, et être en petit comité. Alisma, Manon, Elise et les autres envisagent de profiter de l’été pour faire des représentations théâtrales dans les champs attenant à la maison des parents d’Alisma, en Mayenne.

Alisma raconte : “Le NTP (Nouveau Théâtre Populaire) nous a inspiré. C’est un festival dans le Maine-et-Loire. Ce collectif crée chaque année des pièces pour les jouer au sein de l’édition du festival. Nous avons beaucoup lu ce qu’ils ont écrit et nous nous en inspirons toujours aujourd’hui”.

En effet, à l’origine, “L’Arbre Bavard” aurait pu être un lieu pour jouer les projets de fin d’année des étudiants, un peu sur le même principe que le NTP. Finalement, le festival voit le jour, et se différencie par son fonctionnement et son principe. Mais pas par ses valeurs, comme me l’a expliqué Alisma.

Alisma a aussi pu échanger avec des professionnels du théâtre comme Bertrand CAUCHOIS, alors professeur de théâtre au conservatoire du Mans et comédien dans la Sarthe : “Il m’a parlé d’un festival dans lequel Marie DISSAIS, un de ses amies comédiennes avait joué en Bourgogne et qui était similaire à notre projet. C’était dans un village tous les étés. Au départ, cela a été une référence pour nous. J’ai pu poser beaucoup de questions à cette personne qui nous a donné des billes pour commencer”.


La première édition du festival aura finalement lieu en août 2021, après une année 2020 un peu chaotique d’un point de vue sanitaire.


“L’Arbre Bavard” en vie


“L’Arbre Bavard” se définit comme un festival d’art vivant en plein air. Les spectacles proposés sont principalement des pièces de théâtre. Mais d’autres formes d’arts vivants peuvent aussi être représentées : “l’année dernière, il y avait aussi du cirque, et des formes un peu plus hybrides qui vont de la marionnette à des formes avec de l’opéra et de la musique. On a aussi proposé une balade contée” ajoute Manon. Trois concerts ont également lieu le samedi soir, sur le site du festival.


“L’Arbre Bavard” est un espace pour permettre aux jeunes créateurs et créatrices de proposer des projets. Elise précise : “C’est un vrai espace de création, de réflexion, de rencontres au sein des bénévoles, des artistes, des spectateurs. Les jeunes créateurs et créatrices proposent des projets et c’est également un espace de représentation pour eux”.


Le festival se déroule à Andouillé, dans le département de la Mayenne, au début du mois d’août. Il s’étale sur 2 jours au cours desquels se succèdent 12 spectacles et 3 concerts. Manon me détaille le fonctionnement : “Nous disposons d’un grand espace composé de plusieurs champs. Nous y avons créé 4 espaces de représentation qui sont assez différents. Nous avons par exemple une scène qui est dans un grand champ, et une scène plus reculée dans un petit bosquet, pour une ambiance plus intimiste. Tous les spectacles sont joués 2 fois par jour. Plusieurs spectacles se passent en même temps, grâce au roulement entre les scènes. Les spectateurs peuvent faire leur programme en fonction de leurs goûts et envies. Pour tout voir, il vaut mieux venir les 2 jours”.


La programmation de la seconde édition, qui aura lieu les 6 et 7 août 2022, n’est pas encore faite. Elise m’explique le processus de programmation adopté par l’équipe : “On fait un appel à projets. Ce n’est pas nous qui allons chercher des spectacles parmi ceux que l’on voit. C’est plutôt un appel qu’on lance sur les réseaux sociaux et auprès de notre réseau de connaissances. Ce sont des gens qui nous envoient leur dossier et ensuite on a des réunions de programmation tous les 8 pour échanger sur les projets qui nous parlent et nous paraissent intéressants”. L’appel à projets pour la prochaine édition vient juste d’être clôturé.


Laisser place aux bourgeons et aux nouvelles fleurs : le festival comme espace de création


Certes, la majorité des spectacles qui sont présentés lors du festival sont créés en amont. Pourtant, “L’Arbre Bavard” s’inscrit véritablement dans une démarche de création, sous différents aspects.


Cela commence par deux dispositifs particuliers de représentations ; choix artistique de l’équipe organisatrice : la carte blanche et la balade contée.

Pour ces dispositifs, et contrairement au reste de la programmation, c’est l’équipe qui va contacter des artistes dont ils ont aimé le travail pour leur proposer de créer un spectacle spécialement pour l’occasion. Manon ajoute : “pour ces dispositifs, il y a une résidence de création. Par exemple, l’année dernière, pendant la semaine de préparation avant le festival, nous étions avec l’équipe d’organisation et les équipes des artistes de la carte blanche qui ont créé en même temps de répéter leur spectacle”.

La balade contée est une représentation spéciale, puisqu’il s’agit véritablement d’un spectacle itinérant, conté et raconté par les artistes, qui évoluent avec leurs spectateurs sur les chemins, entre les pins et au bord de la rivière présente sur le site.


Pour la balade contée, mais aussi pour tous les autres spectacles, l’espace proposé dans le cadre du festival apporte de nombreuses possibilités de mise en scène. “Nous avons un espace chouette et très modulable, qui permet de jouer avec les éléments ou pas, selon les choix des artistes” explique Manon.


La création ne s’arrête pas là. En effet, certaines jeunes artistes sont en cours d’écriture d’un spectacle pour le festival lors de l’appel à projets. S’ils sont sélectionnés, le festival devient alors un excellent moteur de lancement pour leur spectacle, qui pourra ensuite tourner ailleurs.


Enfin, et dans une dimension plus philosophique, on peut aussi considérer que ce festival est un lieu de création populaire, dans le sens où, chaque participant, quelque soit sa place, participe à la création d’un moment de partage unique.


Entre valeurs et ambitions : ce qui fait l’équilibre de l’Arbre


“L’Arbre Bavard” s’attache à certaines valeurs, et ambitionne d’y répondre un peu plus chaque année. Par conviction, peut-être, et pourtant cela semble si simple et naturel. Ces valeurs apportent un véritable sens humain à ce festival.


Pour commencer, la démocratisation de l’accès à la culture est une des premières ambitions de l’équipe. En effet, celui-ci est gratuit et il a vocation à y rester longtemps ! Le lieu choisi est aussi significatif et fait de ce festival un lieu de partage rural et familial. Alisma et Elise m’expliquent : “Nous défendons l’accès à la culture en milieu rural et pour les personnes qui en sont plus éloignées aussi. Le frein économique est important pour certaines personnes donc nous tenons vraiment à ce que le festival reste gratuit pour que chacun puisse profiter au même titre qu’un autre de l’évènement. La gratuité, c’est aussi la marque de fabrique du festival donc il faut que ça devienne pérenne sur le long terme. Pour l’instant, nous allons essayer de développer les aspects qui sont déjà mis en place, à savoir attirer et accueillir du public des alentours (Andouillé et Laval), leur offrir la possibilité de venir voir du théâtre, d’échanger avec les artistes et les organisateurs”.

La démocratisation de la culture au travers de ce projet passe par la gratuité, le lieu mais aussi l’accessibilité de la programmation, comme me le décrit Elise : “Dans notre processus, nous choisissons des spectacles qui restent assez abordables en termes de sens et de proposition artistique. Nous essayons d’aller dans cette direction d’accessibilité pour que ça parle à tous et à toutes et surtout de tous et de toutes ! C’est l’objectif que l’on peut se poser pour les années qui vont suivre”.

Alisma me parle aussi des criées publiques instaurées par les organisateurs : “une équipe de comédiens part dans les villages et propose une “micro-forme” (l’année dernière c’était une chanson par exemple) pour donner envie aux habitants de venir au festival, et de voir les spectacles. Cette démarche d’aller vers la population, de l’inclure répond aussi à cette envie d’ouvrir l’accès à la culture”.

Dans les boîtes à projets, il y a aussi l’idée d’ouvrir, sur le territoire, des ateliers de théâtre pour les jeunes. Cette médiation pourrait aussi passer par des partenariats avec des bibliothèques par exemple afin de mêler ce qui existe et de l’intégrer dans le réseau territorial.


“L’Arbre Bavard” s’inscrit également dans une démarche écologique, en réduisant au maximum son empreinte carbone, par exemple pour la partie communication : impression comptée d’affiches pour limiter le gaspillage, utilisation de papier recyclé et d’encre moins polluante.

Elise me parle aussi de l’aspect alimentaire : “Pour la nourriture, nous essayons de proposer des repas équilibrés et plutôt bios. Sur le long terme, nous avons le projet de collaborer avec des producteurs locaux. Voir avec eux ce qu’ils peuvent nous proposer, avec aussi l’objectif de mettre en valeur cette production locale. Ce qui nous permettrait de nous imprégner et de nous intégrer dans le territoire. Cela donnerait un sens au fait qu’on soit là et pas ailleurs”.


Une valeur qui est ressortie à de nombreuses reprises lors de cet échange est la notion de partage. Alisma raconte : “La première édition (l’année dernière) a été un vrai espace d’échange en dépit de la météo déplorable. Qu’ils soient spectateurs, bénévoles, artistes, chacun a pu échanger, proposer des choses et créer de toute pièce cet espace de partage éphémère".

Le partage lors de la prochaine édition sera sûrement encore plus riche puisque le festival devrait pouvoir accueillir un peu plus de spectateurs que l’an passé, où il avait ouvert environ 300 places par jour.

Elise ajoute : “Nous offrons les repas aux bénévoles et artistes sur la semaine de préparation, que ce soit le matin, le midi ou le soir pour instaurer cet espace de partage. Et du coup, je crois que c’est ce qui fait que le festival aussi est fort et populaire, dans le sens du partage. Parce que pendant toute cette semaine, on a pu manger ensemble et profiter des moments de convivialité organisés”. Un jolie manière de créer, avant même l’ouverture du festival, cette ambiance conviviale, dont profiteront les spectateurs.



Sur la première édition, seuls les techniciens ont été rémunérés. Mais la rémunération des troupes est une priorité pour l’équipe, comme me l’explique Alisma : “Nous avons un budget prévisionnel qui prend en compte le paiement des artistes, qui étaient une soixantaine l’année dernière. Cela représente un sacré budget pour tous les payer sur 2 jours. Aujourd’hui, c’est notre objectif principal pour cette deuxième édition. Nous ne pouvons rien promettre aux artistes pour l’instant car nous savons que ce sont des fonds difficiles à obtenir et que nous allons peut-être mettre plusieurs années avant de les obtenir”. Manon ajoute : “C’est vrai que cet aspect là est important pour nous car l’objectif est quand même de soutenir les jeunes artistes donc les faire venir sans les payer, c’est un peu dommage”.



Inspirations théâtrales


J’ai profité d’avoir avec moi des passionnées de théâtre pour leur proposer de me donner des pièces ou ouvrages qui les ont marqué, inspiré, ému. Voici leurs réponses :

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Alisma commence : “C’est une vaste question mais elle est très intéressante. Je vais essayer d’être un peu concise. Je suis assez touchée et intéressée par les spectacles de Joël Pommerat qui est un metteur en scène contemporain, également écrivain. Il travaille de manière particulière puisqu’il travaille avec ce qu’on appelle l’écriture de plateau. En fait, il écrit des bases de scénarios, de textes qu’il amène avec ses comédiens. En fonction de ce que les comédiens proposent, il réécrit la base. L’écriture de plateau, c’est écrire en même temps que les comédiens travaillent et improvisent donc c’est assez intéressant du point de vue du processus. A mon sens, ça donne toujours des spectacles et des pièces de qualité avec des sujets intéressants qui tournent souvent autour de l’enfance, ou de la sortie de cette période. Il a écrit une série de pièces qui reprend un peu les contes, il y a Cendrillon, Pinocchio, le Petit Chaperon Rouge. Ce sont des réécritures contemporaines qui ne suivent pas beaucoup l’histoire de base. Mais qui sont très intéressantes car elles abordent des sujets contemporains, comme l’acceptation du deuil. Esthétiquement j’aime beaucoup son travail. Comme ça, ça me permet de citer plusieurs spectacles en même temps ! J’aime beaucoup une autrice qui s’appelle Claudine GALEA. Je suis très touchée par ce qu’elle propose, c’est juste et fort. Notamment un texte qui s’appelle “Au bord”, qui parle des femmes, de la condition humaine, de beaucoup de choses très intéressantes. Et si je peux citer une dernière personne, c’est Jean-Pierre SIMEON, qui est un de mes auteurs de prédilection. J’aime beaucoup ce qu’il écrit car c’est à la fois poétique, puissant et engagé. J’aime particulièrement son texte qui s’appelle “SERMONS JOYEUX”. Si vous avez l’occasion de lire ça, je vous le recommande”.


Elise cite également l’ouvrage “AU BORD” de Claudine GALEA : “C’est un texte où il y a une partie sur la guerre. Ce texte commence avec une photo de guerre. C’est une écriture particulière puisqu’il y a une majuscule au début et un point à la fin du bouquin. Alors au début, je me demandais “où est-ce que je suis ? De quoi ça parle ? Est-ce que je suis trop nulle pour comprendre ? Est-ce que je m’adapte ? Est-ce que je n’ai pas les codes ?”. Puis j’ai pris le parti de me laisser porter par ce texte là. C’est un texte qui m’a permis, au Conservatoire, de comprendre des choses sur la posture de comédien, sur ce qu’on a envie de défendre. Et surtout je me suis sentie pleine de vie en défendant ce texte qui est très humain et qui, en effet, défend cet amour pour les femmes qui est magnifique. Toutes les femmes, qu’elles soient les mères, les filles, les grands-mères. Il y a aussi quelque chose de l’ordre de l’héritage”.


Elise poursuit : “Je citerai aussi “Littoral” de Wajdi Mouawad. C’est un bouquin qui m’a bouleversé. Je l’ai lu avant de faire du théâtre et je l’ai relu en théâtre donc j’ai eu deux manières de percevoir l’intrigue. C’est beaucoup sur la guerre, l’exil, la construction identitaire, les paires (personnes à qui on s’identifie ou pas, et les raisons pour lesquelles ça aide dans la construction humaine). Il y a aussi ce truc de processus de vie, c’est-à-dire qu’on est toujours en train de changer et qu’on est pas du tout une personne définitive pour le reste de notre vie. Je trouve que par exemple, l’étudier avec des ados, ça peut être super intéressant sur la construction identitaire. Et puis aussi Shakespeare, ça c’est le côté anglais. C’est intéressant d’avoir eu cette expérience de théâtre dans mon travail de professeur. Déjà c’est un grand appui culturel. L’apprentissage que j’ai eu au Conservatoire avec Manon et Alisma, c’était du vivant. Comme l’enseignement. Ce n’est pas pareil, c’est une autre forme d’acting. Je sais comment me positionner dans ma vie en général, dans mon métier. Et surtout, cette formation donne du sens à ce que je fais”.


J’espère que cet article vous a plu, je vous recommande d’aller jeter un œil au site du festival, et pourquoi pas de vous y rendre cet été !


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