“Denise et Yvonne papotent”, une histoire de famille
Laura a l’esprit créatif, adore le vintage et chine beaucoup avec ma tante. C’est comme ça que j’ai fait sa connaissance. Elle a créé sa marque “Denise et Yvonne papotent” en 2018, suite au décès de sa grand-mère Yvonne. Elle se souvient des premiers instants : “Je me revois dans ma petite cuisine en train de faire le premier collier qui était un bijou brodé”. A ce moment-là, tout était nouveau, elle ne connaissait pas la finalité, mais elle créait… Comme elle avait toujours aimé le faire.
“Denise et Yvonne papotent”, c’est une histoire de famille ; ou même plutôt une histoire de femmes. Une ôde à celles qui l’ont inspiré et ont rejoint les étoiles. Un échange créatif avec celles qui l’entourent. Une rencontre entre générations et talents.
Laura a pour deuxième prénom Denise. Denise et Yvonne sont ses grands-mères. Denise est décédée alors que Laura était encore enfant. Elle se souvient d’une femme qui peignait et brodait beaucoup. Encore aujourd’hui, des broderies réalisées par sa grand-mère trônent dans le salon de son grand-père. Yvonne, elle, est décédée juste avant la création de la marque. Depuis ses 23 ans, elle était atteinte d’une maladie qui déformait ses articulations. Même si cela ne l’a pas empêché de vivre, de s’occuper de ses enfants et de ses petits-enfants, les travaux manuels étaient plus douloureux pour elle. Laura raconte : “C’est une génération de grands-mères que je voyais avec des bigoudis dans les cheveux, en train de repriser à la main des petits trucs décousus. Mémé Yvonne recousait parfois des boutons mais elle n’allait jamais plus loin car c’était impossible avec sa maladie. Mes 2 grands-mères se sont déjà rencontrées plein de fois évidemment. Mais j’avais envie de les réunir en initiant une rencontre un peu créative entre Denise qui brodait énormément et Yvonne qui peut-être aurait aimé mais n’a jamais pu vraiment le faire”.
Laura est l’initiatrice du projet, la créatrice et la gestionnaire principale de la marque, mais elle est aussi entourée de ses sœurs. Sa grande sœur a géré la création textile pendant un temps. Aujourd’hui, c’est sa petite sœur qui a rejoint l’aventure avec des créations en macramé.
Le concept
Pour la marque, Laura crée des bijoux à base de tissus, broderies et perles. Il y a des broches, des bracelets et surtout pleins de jolies boucles d’oreilles. Sa grande sœur a apporté une touche textile avec des créations en tissus, comme des pochettes ou cotons démaquillants. Sa petite sœur, Lisa, propose des réalisations en macramé, comme des porte-plantes, ou des décorations murales. Laura a aussi créé un partenariat avec une fleuriste de Tourcoing qui s’appelle “A la Fleur qui parle”. Ensemble, elles proposent des cartes fleuries. Ces cartes très locales sont dessinées par Laura, imprimées par un imprimeur du coin et ornées de fleurs séchées par la fleuriste.
Laura gère la marque, en plus de la création des bijoux. C’est elle qui alimente le site internet, gère la communication, réunit les matières premières, crée les partenariats et cherche à dénicher des nouvelles boutiques en dépôt vente. En effet, actuellement, la marque “Denise et Yvonne papotent” compte 17 points de vente : la boutique en ligne ainsi que 16 points de vente/distribution en France et en Belgique. Il y a deux fonctionnements : certaines boutiques fonctionnent en achat direct, c’est-à-dire qu’elles achètent à Laura directement les créations afin de les revendre ensuite dans leur boutique physique. D’autres fonctionnent en dépôt vente : Laura envoie un panel de créations qui seront proposées en boutique. Elle sera payée uniquement lorsque les pièces seront vendues. Certaines boutiques attendent qu’il n’y ait plus aucun produit pour reprendre des réassorts. D’autres demandent à maintenir le stock, Laura complète donc leur stock en fonction des ventes.
Laura me donne l’exemple de la toute première boutique à avoir accueilli les créations “Denise et Yvonne papotent” : “Le premier point de vente qui nous a fait confiance est une petite boutique de Tourcoing. C’est un des plus petits points de vente aujourd’hui, pas en terme de vente, mais en terme d’espace dédié. Elle doit avoir une petite trentaine de boucles d’oreilles sur place. J’ai des plus gros points de vente qui ont peut-être une centaine de paires de boucles d’oreille. D’autres ont plutôt des pochettes, des cartes etc…”.
La gestion dépend beaucoup de la période dans l’année. “Par exemple, au moment de Noël, je suis sous l’eau !! Ma sœur, qui fait les macramés, est en Mayenne, donc on travaille beaucoup par visio et elle m’envoie la plupart de ses créations par la poste. C’est moi qui gère les envois etc… Pendant la période de Noël, entre les ventes sur le site, les réassorts boutiques, et les marchés de Noël, je suis bien fatiguée. C’est mon mari qui gère les envois : je lui prépare les sacs avec les colis et c’est lui qui les emmène à la Poste. J’ai un mari formidable !” L’été peut être une période un peu plus chargée aussi car les marchés reprennent et certaines boutiques situées dans des lieux touristiques veulent des réassorts.
“L’idée c’était de faire avec les valeurs qui me sont propres et qui m’animent”.
Comme un fil rouge des créations et du fonctionnement de la marque, Laura s’appuie sur 3 valeurs qui lui sont propres et qui lui tiennent à cœur.
La première valeur sur laquelle elle s’appuie est l’écologie. Elle tient à maîtriser au maximum son impact écologique.
Actuellement, pour la création des bijoux, elle atteint 70 à 80% de tissus et fils de seconde main. Elle vise les 100%, et s’en rapproche petit à petit. Elle récupère des vieux vêtements ou des tissus qui étaient destinés à rejoindre la poubelle. Pour cela, elle s’appuie sur des partenariats avec des créatrices d’un peu partout en France qui lui envoient leurs chutes de tissu. Elle chine aussi beaucoup dans une ressourcerie située à Lille, qui s’appelle les “Récoupettes”. Laura me présente cette ressourcerie (qu’elle aime vraiment) : “C’est une association menée par une femme que je trouve juste dingue, avec un nombre de bénévoles incroyable. Ils font des ateliers créatifs et il y a une partie ressourcerie “art du fil” où les clients ont à disposition un grand nombre de tissus de seconde main. Il y a des longs métrages et des toutes petites chutes. Même chose pour le fil. On paye au poids. La ressourcerie est fournie grâce aux dons d’entreprises ou de particuliers. La ressourcerie vise à avoir un turn-over important afin que le stock ne reste jamais dans le local et ait une autre vie ailleurs. Je suis hyper contente, parce que ça va faire 2 ans que je les ai découverts. Je ne peux même pas parler de partenariat parce qu’on a rien de signé, mais c’est un vrai coup de cœur humain. J’essaie d’aller me fournir le plus possible là-bas parce qu’elles ont des pépites”.
Sur le volet macramé, il est encore difficile de trouver du fil de seconde main. Laura et Lisa se fournissent dans l’une des dernières maisons de tissage de macramé en France. Pour elles, travailler du fil français est un non-négociable.
Laura a aussi fait évoluer le packaging et l’envoi des commandes au fil des années pour répondre à cette valeur écologique. Aujourd’hui, les bijoux sont sur des cartons recyclés ou détournés, comme des anciennes fiches bristol. Chaque bijou a un prénom et celui-ci est tamponné, lettre par lettre, à la main par Laura.
Laura se fournit en enveloppes dans une entreprise locale dont le projet est une fabrication à faible émission de C02. Malgré certains envois qui restent classiques, elle se tourne majoritairement vers des matières recyclées et recyclables pour des envois à impact réduit.
La seconde valeur qui fait de “Denise et Yvonne papotent” un projet unique, est le côté humain. Pour illustrer cela, Laura me parle de “La grande papote”, un événement qu’elle organise. Il s’agit d’un marché de créateurs, à taille humaine. Laura sélectionne des créateurs qu’elle aimerait accueillir et réunir sur un temps donné. Elle me précise avec humour ses critères : “Je sélectionne de manière totalement subjective, qu’on soit clairs ! Ce sont des créateurs/créatrices dont j’apprécie le travail, l’univers, la démarche écologique ou responsable, les qualités humaines. L’idée, c’est de rassembler pleins de gens et de les valoriser”.
La première édition s’était faite sur une journée. La deuxième édition s’est déroulée sur un week-end complet, en plein cœur de Lille, dans les anciens locaux d’une école de design. Le lieu se prêtait bien au jeu car il permettait une déambulation entre les créateurs. Laura développe dans cet évènement un lien entre les créateurs et créatrices afin d’en faire avant tout une rencontre humaine et un moment de partage : “Tout le monde se sent impliqué dans l’organisation, dans ce qu’il s’y passe, dans la communication, dans la mise en avant de chacun, dans le fait de faire attention de ne pas mettre en concurrence qui que ce soit. Dans ma sélection, au-delà du “j’aime ce que untel ou untel fait”, ça ne me viendrait pas à l’idée d’inviter par exemple 2 personnes qui créent des savons. Pendant l’organisation de la grande papote, c’était génial, il y a des moments où j’entendais que ça se marrait, ça discutait dans tous les sens. J’ai vu deux créatrices assises par terre, l’une faisait du tricot pour montrer à l’autre. C’est toute cette effervescence qui est juste dingue et que je ne retrouve que très rarement dans d’autres marchés de créateurs. Je me dis que plutôt que de chercher un truc qui m’aille, je vais l’organiser ! Je n’irai jamais au-delà de 20 créateurs parce qu’après, je trouve que l’on tombe dans un événement trop imposant, qui peut perdre le côté humain. Là, quand les créateurs arrivaient, même ceux que je rencontrais en vrai pour la première fois, je les reconnaissais directement… C’est vraiment important pour moi”.
Enfin, le troisième volet “fil rouge” de la marque regroupe le côté local et les partenariats.
Laura accorde du temps et de l’importance au développement de partenariats avec des boutiques en France et en Belgique, pour le dépôt vente, mais aussi pour la récupération des matières premières, ou des créations communes, comme avec cette fleuriste de Tourcoing.
Inspirations
Pour terminer, et comme un rituel pour moi, j’ai demandé à Laura de me parler de ce qui l’inspirait. Je vous propose de découvrir sa réponse, qui résume parfaitement l’ensemble de notre échange et les valeurs qu’elle m’y a transmises.
“Je suis une grande curieuse de nature. Je suis une amoureuse de la création et de l’artisanat. Et donc je me nourris beaucoup de manière inconsciente de ce que je vois. Mais je ne pourrais pas te dire des noms de créateurs comme ça. Il y a des artistes que je suis depuis longtemps, d’autres que j’ai découvert dernièrement. J’aime énormément leur travail. Forcément, ça doit me nourrir intérieurement mais je ne saurais pas le verbaliser en te disant que c’est telle ou telle personne qui m’inspire. Après, il y a une chose qui m’inspire et je ne peux pas le nier… J’adore chiner, aller dénicher des trucs à droite, à gauche. J’ai un problème avec les imprimés rétros, je deviens barge ! La ressourcerie me met les tissus de côté d’office, elle me connaît. J’ai les yeux qui pétillent, dès que je les vois, je sais déjà ce que je vais en faire”.
C’est sur ces notes enthousiastes et colorées que je termine cette première saison d’Inspirations. On se retrouvera à la rentrée pour de nouvelles aventures. Bel été à mes lecteurs fidèles, que je remercie tout particulièrement, et à ceux qui arriveront ici prochainement. Je vous souhaite de trouver vos inspirations et d’inspirer… A très vite
Tess
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