Elodie a 38 ans, le sourire greffé aux lèvres, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.
Son parcours, quoique rempli de bifurcations, semble suivre la direction de l’épanouissement personnel. Inlassablement. Je vous propose de découvrir son parcours, ses projets et son univers.
Tous les chemins mènent au savon
“J’ai fait pas mal de métiers divers et variés depuis un petit paquet d’années. J’ai commencé à travailler à 22 ans et j’ai changé d’activité à peu près tous les 2 ans”.
Grande distribution, assurance, fabrication de gâteaux bretons, brasserie artisanale, maraîchage… Elodie s’essaie dans pleins de domaines, et trouve toujours un intérêt, un sens à ce travail et à l’univers dans lequel elle évolue.
Aujourd’hui, elle se dit nourrie par la diversité de ses expériences. Avec du recul, elle me raconte comment elle perçoit son parcours : “Je suis partie de très grandes entreprises pour aller de plus en plus vers des petites entreprises régionales. Et ça m’a permis d’avoir un bon recul, une bonne analyse sur le métier de la vente. J’ai fini par vendre des assurances : j’étais courtière en assurances pour les industries agro-alimentaires. J’allais sur des sites de production, j'enfilais déjà la blouse, la charlotte et les bottes, comme au labo, pour protéger le produit final. Les notions d’hygiène étaient déjà présentes dans ma vie”.
Et des notions d'hygiène, elle allait en avoir besoin, puisqu'elle a ouvert, en 2021, une savonnerie !
Entre assurances et savons, il y a une distance certaine. Pour Elodie, il y a surtout des questions, une quête de soi, et surtout une rencontre.
“J’étais en voyage au Laos. Un jour, je rentre dans un petit magasin. Je regarde la boutique et je m’arrête sur les savons. On discute avec la dame du magasin et elle me demande ce que je fais, ce qui m’amène ici. Je faisais un break par rapport à un ancien boulot que j’avais quitté. Je lui parle des savons que j’adore. Elle voit mes yeux qui pétillent. Je lui dis que je cherche ma voie, quelque chose qui me fasse vibrer. Elle me dit alors : “pourquoi vous ne feriez pas des savons ?” La graine était plantée”.
Effectivement, cette femme de l’autre bout du monde venait de déposer une graine. Ce qu’elle ne savait pas, c’est que le terrain était déjà bien fertile puisque, sans vraiment y faire attention, Elodie ramenait de tous ses voyages… un savon ! Elle précise avec ironie : “Aujourd’hui, la preuve est dans mes placards !”
De retour de voyage, Elodie réfléchit beaucoup et cherche surtout une manière de se tester. Une savonnière accepte de l’accueillir pour lui montrer son métier : “Je m’y suis sentie bien. Elle m’a fait confiance au laboratoire alors qu’il y a des choses qui peuvent être dangereuses. J’ai ressenti comme un apaisement, malgré le fait que tu ne comptes pas tes heures et qu’il y a pas mal de stress. C’était comme une évidence”.
Suite à cette immersion, Elodie décide de se lancer et intègre en septembre 2019 un organisme de formation dans le Luberon. Elle y apprend la théorie, et pratique énormément pour se tester. Elle transforme la dépendance de son jardin en laboratoire, en faisant tous les travaux elle-même. La petite dépendance en parpaing du fond du jardin devient son lieu de création, lumineux et inspirant.
Elle crée ensuite des recettes, les fait valider pour une toxicologue, déclare son établissement de savonnerie, et ainsi de suite jusqu’à l’ouverture de la boutique en décembre 2021.
D’employée à cheffe d’entreprise
“Au travers de tous mes jobs antérieurs, j’ai pu rencontrer les PDG, voir leurs problématiques, avoir une vision d’ensemble sur leur activité. Cela m’a permis d’avoir un pied dans l’entreprise des autres avant d’avoir la mienne. Je voulais faire quelque chose qui se rapprochait plus de mes valeurs. Aujourd’hui, je suis passée de l’autre côté de la barrière, celle du chef d’entreprise. Je suis reconnaissante de ces années où j’ai travaillé dans d’autres entreprises avec un cadre structuré. Cela me permet aujourd'hui d’avoir un recul pour pouvoir mener à bien le projet d’artisan. Et le projet d’artisan, c’est avant tout un projet de chef d’entreprise. Et c’est essentiel car il n’y a vraiment pas que la production de savons. J’ai cette reconnaissance là, car je me suis créé ma carapace pour pouvoir aller me frotter au monde de l’entreprenariat”.
Elodie sent plus d’harmonie dans sa posture de vendeuse, depuis qu’elle fabrique elle-même les produits qu’elle vend.
“J’avais envie de pouvoir parler du produit sans avoir à remonter en amont. Par exemple, les assurances, c’est vaste et complexe, et c’est un beau métier mais je n’avais pas toujours la réponse aux questions que l’on me posait. J’avais envie de me tenir droite, d’être bien dans mes baskets et de pouvoir raconter qui je suis, ce que je fais et pourquoi je le fais. Aujourd’hui je peux répondre à 99,99% des questions que l’on me pose sur mon entreprise et mes savons”.
Devenir cheffe d’entreprise, c’est aussi faire face à la solitude, et devoir construire son réseau, son entourage.
Elodie avance beaucoup avec sa compagne Isabelle. Elle dit avec humour : “Dans mes débuts d’entrepreneure, je me suis sentie vraiment seule. Mais j’ai ma chérie qui m’entoure beaucoup !” Au-delà d’être une compagne, et une épaule pour les moments plus difficiles, Isabelle est aussi la graphiste personnelle pour la marque de savons d’Elodie : Klapotis !
Depuis peu, Elodie parvient aussi à développer son réseau d’entraide en participant à des rencontres entre créateurs, ou entrepreneurs. Et elle adore le fait de pouvoir choisir ceux avec qui elle souhaite avancer : “J’embarque tous ceux qui sont un peu ouverts d'esprit, novateurs et qui veulent m’accompagner dans ma jolie aventure. Je travaille avec des partenaires qui m’apportent de belles ondes, comme je leur en apporte. Hier j’ai rencontré des entrepreneures nantaises, et on a parlé de faire des petits bouts de chemin ensemble. Il y a de l’entraide entre entrepreneurs. C’est trop bien”. Elle travaille par exemple avec une couturière basée en Bretagne pour proposer des produits en collaboration.
Le petit monde d’Elodie
La personnalité d’Elodie est présente dans les savons, dans leur histoire, sur son site et dans les graphismes de sa marque. Klapotis est bien plus qu’une simple savonnerie, c’est un univers tout entier. Et rien n’est laissé au hasard !
Le choix des emballages lui a pris 6 mois. Elle voulait créer un univers. C’est Isabelle, sa compagne et graphiste qui l’a aidé. “Je voulais quelque chose d’assez frais, rigolo, qui ne se prend pas au sérieux, et qui emmène les gens en balade, en voyage. Pour moi Klapotis, c’est un univers : ce sont les savons et les accessoires pour mettre en valeur le savon. Tout ce que je propose n’est pas zéro déchet puisque j’ai produit des déchets pour les fabriquer. Mais ils sont durables. Pour moi, le savon est un produit noble. Les accessoires permettent, de mieux le sécher ou de le transporter afin qu’il dure plus longtemps et nous accompagne tous les jours. Avec la gamme que je propose, j’ai envie d’emmener les gens dans une aventure, dans un univers”.
Elodie raconte le choix du nom de l’entreprise : Klapotis. “Je l’ai choisi pour la référence à l’eau, à la protection de l’environnement puisqu’on rejette nos déchets dans l’eau (rivières, océans). C’est aussi en lien avec le son des clapotis quand on saute dans une flaque, qu’on se baigne dans la mer, ou sous la douche. J’aimais bien ce nom là, il est évocateur de l’univers de l’eau. Et puis le K pour apporter un peu de caractère !”
Elodie s’inspire beaucoup de ses voyages et des sensations qui lui reviennent par flashs olfactifs, visuels ou émotionnels pour créer les savons et l’univers de Klapotis. Au centre de sa créativité et de son univers, il y a les 5 sens, et l’émotion. Cela se ressent dans le choix du nom de son entreprise, mais également dans beaucoup d’autres aspects de son petit monde.
Les 5 sens comme moteur de création
“Ce qui m’inspire, ce sont les voyages et plus particulièrement les couleurs, les odeurs et les rencontres. Chaque savon que j’ai ramené de voyage me rappelle des souvenirs : je fonctionne beaucoup par flash, ça me ramène là où j’étais, ça provoque des flashs olfactifs, des émotions, je retrouve des sensations perçues pendant ce voyage…”
Elodie utilise cette sensibilité aux sens et aux émotions pour créer ses propres savons et faire voyager ceux qui les utiliseront. Elle propose des voyages poétiques, des parfums subtils, des mélanges surprenants, et raconte des histoires avec ses savons.
“Je pars dans un imaginaire quand je crée, je suis dans la poésie. J’essaie d’associer des couleurs à des odeurs”. Elodie fonctionne par association d’idées, ou maillage. Une idée en apporte une autre, une couleur lui fait penser à une odeur, une texture la ramène dans une région du monde, un produit la ramène à un souvenir. Et en mélangeant toutes ces sensations, elle crée sa gamme de savons. Presque enfantin et pourtant très subtil, poétique et sensationnel, riche et doux.
Le savon “Après la pluie” est représenté par un dessin de petites bottes jaunes. Ces bottes, ce sont celles qu’Elodie met quand elle est dans son laboratoire : “c’est plus rigolo qu’elles soient jaunes” ajoute-t-elle ! Elle adore imaginer sauter dans les flaques avec ses bottes. Nouvelle référence aux clapotis de l’eau, et plus particulièrement ici, à la pluie. Elle précise : “Ce que j’aime après la pluie, c’est sentir le soleil, lui aussi jaune comme les bottes. Je suis partie de la couleur jaune, qui m’a fait penser au citron. Je fonctionne par association d’idées, je fais beaucoup de maillages entre couleurs, odeurs, sensations, émotions, textures. Après la pluie, on n’a pas envie d’être triste, on a envie de soleil, de vitamine. Alors je suis partie sur un savon citronné, mais pas au citron ! Pour la texture, je suis repartie de la petite botte, qui m’a fait penser à la Bretagne. J’ai pris de la farine de sarrasin. Du coup il est légèrement exfoliant. Doux gommage breton à la verveine exotique, c’est sa description. Après la pluie, on a envie de quelque chose de doux mais ensoleillé, qui vient chatouiller, gratouiller”.
L’éveil des sens est comblé : odeur citronnée, le visuel vitaminé, la texture exfoliante pour un toucher spécial.
Le savon “Sous la cascade” est lui aussi relié à des souvenirs sensitifs. Ce savon, elle l’a imaginé en repensant à ce moment où elle s’est douchée sous une cascade lors d’un voyage en Islande. La cascade gelée, le bruit de l’eau qui tombe, la sensation sur sa peau, la fraîcheur. Et elle a décidé de créer un savon qui viendrait contraster toutes ces sensations à l’opposé, pour créer une douche chaleureuse et douce : “Je me suis demandée où est-ce qu’on aurait envie de se doucher sous une cascade. Sûrement sous les tropiques. J’ai choisi d’utiliser du beurre de cacao brut. Chaleureux et onctueux. Le savon est de couleur argile rouge. Il est crémeux et enveloppant, on est bien avec lui”.
Vous l’aurez compris, une douche avec un savon Klapotis, c’est bien plus qu’un soin d’hygiène, c’est un voyage au cœur des sens et un bain d’émotions. Un chouette moyen pour s’évader.
Elodie me parle de son savon “L’aventurier” dont l’histoire est personnelle : “Avec ma compagne, nous sommes des aventurières. Sur l’emballage, c’est une illustration de notre vrai camion, celui avec lequel on part en virée. On dort dedans, on adore l’aventure, le voyage, les rencontres improbables. J’ai fait le savon à l’ambre, il est poudré. Il a un petit côté oriental, subtil pour s’évader. J’ai eu un retour d’une femme qui a fait le Trophée des Gazelles (une course dans le désert) et qui a pris celui-là. Mes clients peuvent faire leurs associations et j’adore les voir le faire !”
Choisir son savon en conscience, faire de la douche un moment d’évasion tout en se reconnectant à ce qu’il y a de plus présent, les 5 sens. Prendre soin de soi, grâce à des produits sains et sélectionnés, et à un moment avec soi sous la douche. Comme si se savonner pouvait devenir un acte méditatif.
D’ailleurs, Elodie le vit ainsi lorsqu’elle fabrique ses savons : “Au laboratoire, en général je n’ai pas de bruit parce que j’ai besoin de me concentrer. Je suis attentive aux petits bruits, il y a pleins de choses à remarquer. Je suis sensible aux choses simples”.
“Le sourire des gens me donne envie d’avancer. Klapotis, c’est un univers. Avec un savon, on ferme les yeux, on le sent, on l’aime, ou on ne l’aime pas. On se sent bien avec… Comme un bon moment à table !”
Justement en parlant de table…
Être savonnier est un travail de chef cuisinier qui nécessite de sélectionner les bons ingrédients, de créer des associations jusqu’à trouver l’équilibre. C’est aussi un moyen de cultiver ses sens, notamment le goût et l’odorat.
Elodie me raconte son histoire : “Mon grand-père qui m’a appris les techniques pour faire le potager et le nom des fleurs. Et puis mes grands-mères m’ont transmis le plaisir de cuisiner. Cuisiner, c’est aller au marché pour choisir des bons produits, les préparer sérieusement, les cuisiner et les savourer en les partageant. Il y a la notion de plaisir qui est très importante. Rendre les gens heureux et passer un moment ensemble. Je fais des références à la cuisine parce que c’est un peu de la cuisine. J’ai créé ces recettes, je les ai imaginées, testées, faites tester. Comme ma grand-mère prenait soin de nous à table avec les ingrédients du potager que mon grand-père avait pris soin de faire pousser, c’est une manière pour moi de prendre soin des autres avec des ingrédients qui me plaisent, qui me parlent”.
Elodie a une forte sensibilité à la Nature, qui lui a toujours permis de trouver ou retrouver son équilibre. Elle souhaite créer un produit sain, qui participe à cet équilibre naturel. Elle sélectionne ses matières premières, propose des compositions naturelles et sans colorant. Il n’y a pas d’emballage plastique, et le savon est durable. Comme dit Elodie : “Tant qu’il y aura des gels douche dans les rayons de supermarché, il y aura du travail pour les artisans savonniers !” Du travail et un peu de pédagogie pour montrer tous les bienfaits des savons artisanaux et solides.
Elodie me raconte que les premiers retours sur ses savons lui donnent envie de continuer l’aventure : “Dans un monde qui est très speed, le fait de s’arrêter, de revenir à des choses très simples comme prendre soin de soi sous la douche est vraiment important. Je connais même des gens qui se savonnent et qui recommencent parce que ça leur plait. J’avais envie d’être fière de ce que je fais et contribuer à ma petite manière à changer les choses sans forcer les gens et les culpabiliser mais plutôt avec quelque chose de plaisant. C’est beaucoup de pédagogie”.
Comme ses grands-parents lui avaient transmis l’art de la cuisine, Elodie a aujourd’hui beaucoup de belles choses à partager avec celles et ceux qui la suivent ou la suivront dans cette aventure… Et si la transmission était moteur d’inspiration ?
A très vite !
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